Le djihad au féminin pluriel : une évidence ?

30 septembre 2014

Le djihad au féminin pluriel : une évidence ?

©Nari Photocréation
©Nari Photocréation

Parce que son islam «ramène l’amour, rassemble les gens de tous les pays, de toutes les origines, de toutes les cultures, de toutes les ethnies», apaise les cœurs, éveille les esprits, vise la justesse et lui donne les clés pour se rendre meilleure, Raya a voulu témoigner, donner son point de vue sur cette nouvelle facette du djihad conjugué au féminin pluriel.

Terrorisme, réseau, islamisme, lapidation, agression, décapitation, «Etat islamique» et en arabe s’il vous plait «Daech», kamikaze, attentat, … Des mots qui, bien qu’à force de raisonner dans nos médias n’ont presque plus aucune consistance, aucun sens et, aucun écho, restent lourds de conséquences sur l’un des enjeux les plus évidents de notre vieux continent : le «vivre ensemble».

Il ne sera pas question – à travers ces quelques lignes – de tenter de décrypter la situation en Syrie, de remettre en question l’auto-proclamation de l’ « EI », ni même de sa légitimité ou encore sa sémantique et son appartenance à l’idéologie musulmane.

Nombreux sont les journalistes qui s’y sont attelés et pour certains, avec justesse et profondeur. Je pense ici à David Thomson qui après un an d’investigation a livré dans un livre « Les français jihadistes », un recueil de témoignages de plusieurs français partis combattre en Syrie. Leurs motivations, parcours, leurs espoirs mais aussi la nécessité de revoir les contours du profil type du djihadiste en devenir.

Entre mythe et réalité, beaucoup de questions demeurent. Plus encore quand il s’agit de ces femmes, épouses, mères, sœurs, amies, … qui décident, elles aussi, de quitter pour la plupart, la terre de leurs origines, pour aller mener leur combat, pour ce qu’elles considèrent être juste, la-bas.

Entre compréhension et incompréhension

A 23 ans, future jeune maman, étudiante en sciences humaines dans le but de devenir professeur d’histoire, Raya, belge d’origine algérienne, de confession musulmane répond à toutes les caractéristiques de la future djihadiste prête à rejoindre le front en Syrie, penseront certains …

Qu’ils se détrompent, son combat avec elle-même, elle le mène dans son quotidien. Son djihad qu’elle définie comme étant : « un combat personnel, afin de devenir une bonne personne, une bonne citoyenne pour ensuite, améliorer la société». Un combat du cœur, avant tout avec soi-même. Un combat de tous les jours et sur la durée, j’ose imaginer. Comment à moins de 30 ans, en pleine rencontre avec sa foi, peut-on concevoir de prendre les armes et vivre son « djihad par l’épée » comme étant une évidence ?

Fashion Week Paris 2013 - Laurence Xu ©Nari Photocréation
Fashion Week Paris 2013 – Laurence Xu ©Nari Photocréation

Ces jeunes femmes se considèrent donc comme étant des citoyennes accomplies, de belles et bonnes personnes, vivant en parfaite osmose avec ceux et celles qui font la diversité et la richesse du pays qui les a vu naître et grandir pour estimer qu’il est temps pour elles, d’aller « se battre » pour défendre une juste cause, en Syrie ?

Aucune place au sarcasme face à tant de questions sans réponses qui laissent notre future professeur d’histoire dans l’incompréhension la plus complète malgré son désir de comprendre : « les choses se passent-elles comme elles l’avaient prévu ? Ont-elles des regrets ? Un retour est-il envisageable et si oui, dans quelles conditions et à quel prix ? Devoir partir pour vivre son islam ? ».

Eduquer à la citoyenneté

« J’enseignerai sur base des programmes de l’Education nationale. Bien entendu, l’histoire de l’Homme selon la théorie de l’évolution. Mon objectif premier est de faire comprendre à mes futurs élèves que le programme est là pour être suivi et qu’il est le même pour tout les citoyens. Ensuite, chacun peut avoir sa vision personnelle et, j’encouragerai les élèves qui me donneront leur avis à développer leur point de vue, tout en les dirigeant à respecter et à essayer de comprendre la vision des scientifiques car il convient de se rappeler que la science n’est pas une vérité et qu’elle peut toujours être contestée … ».

Pousser nos jeunes à réfléchir, à développer leur esprit critique, leur capacité de remise en question et de développement, pour Raya, une manière « d’arrêter de creuser un fossé social, pour que tous les jeunes puissent avoir un bon niveau scolaire, qu’importe le quartier et l’école qu’ils fréquentent, de leur donner les outils pour les pousser à poursuivre leurs études.» Et, peut-être aussi d’en faire de bons citoyens qui n’auraient pas besoin, plus tard, une fois adulte, de devoir miser sur la division pour se sentir en vie. Pour très certainement aussi, être capable de juger avec tendresse de cœur et qualité de raison de ce qui est bon pour eux et donc, pour la société dont ils font partie intégrante.
L’islam d’Europe : «un parfait juste milieu entre mon identité et ma foi»

Et si, à force de discrimination, d’intimidation et de répression, nos politiques avaient finalement réussi le pari de limiter la place que s’est construite la femme musulmane au fil du temps et de l’histoire de l’immigration européenne?

« Si j’avais été confrontée à la discrimination religieuse, empêchée d’avoir accès à l’éducation à cause de mon voile, il est probable que – moi aussi – j’aurais fantasmé sur ce djihad au féminin mais, j’ai envie de croire que de par mes convictions et la relation que j’entretiens entre ma foi et mon identité, j’aurais essayé de trouver une solution autrement. Mon identité est ici, en Belgique, et je ne ressens pas le besoin d’aller ailleurs pour me sentir moi-même. Après, je comprends quelqu’un qui ne se sentirait pas considéré comme un citoyen à part entière et qui se détacherait de l’identité que nous avons en commun, ici, pense à partir ».

La Grande Mosquée du Cinquentenaire Bruxelles ©Nari Photocréation
La Grande Mosquée du Cinquentenaire Bruxelles ©Nari Photocréation

Au vu de l’actualité, « unie dans la diversité », le slogan de l’Europe laisse penser qu’il est temps, largement temps pour nos dirigeants d’accepter que nous soyons unis dans notre identité en prenant en considération les convictions religieuses et philosophiques de chacun : « Vivre à l’étranger pour pouvoir être moi-même, je le comprends. Mais, vivre à l’étranger pour combattre des personnes qui n’ont pas les mêmes idées et les mêmes convictions religieuses que moi, je ne peux pas le concevoir ! »

Tout comme il y a un christianisme, un judaïsme, un bouddhisme européen, il y a aujourd’hui à travers les différentes générations d’immigrés venus de Turquie, du Maroc, d’Algérie, du Sénégal, des Comores, … un islam européen qui est là et continuera d’évoluer au fil des années. Une fois la reconnaissance, peut-être que les frustrations amenant à la radicalisation disparaitront ?

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